samedi 29 septembre 2007

Pour une Bonne Gouvernance Municipale et Lutte contre la Pauvreté avec la Participation Citoyenne, Par Henri Christin LONGENDJA

Introduction

Le PNUD lie intimement la gouvernance et le développement humain durable ; la gouvernance étant l’exercice de l’autorité politique, économique et administrative pour gérer, à tous les niveaux, les affaires d’un pays. Elle comprend les processus, les mécanismes et les institutions aux moyens desquels les citoyens et les divers groupes articulent leurs intérêts, exercent leurs droits, assument leurs obligations et négocient leurs différends.

Voilà pourquoi la gouvernance et liée avec la lutte contre la pauvreté.

La Bonne Gouvernance appliquée à la Décentralisation

Après les élections, notre gouvernement s’est investi sur le chemin de la bonne gouvernance par son programme intitulé « contrat de la gouvernance » et par la mise sur pied d’un programme de réduction de la pauvreté (le DSRP). Ces documents démontrent que l’environnement politique qui renforce la démocratie et la libéralisation économique, justifie la mise en place d’un programme local de bonne gouvernance.

Pour y arriver, nous avons trois composantes essentielles de la gouvernance : l’Etat – le privé (acteur économique) – société civile. Ces trois composantes sont invitées à contribuer « dans leurs rôles respectifs, au développement humain durable en mettant en oeuvre les conditions politiques, juridiques, économiques et sociales visant la réduction de la pauvreté, la création d’emplois, la protection de l’environnement, la saine gestion des affaires publiques, la mise en place d’un système juridique cohérent et crédible et le respect des droits de la personne ».

Pour promouvoir des synergies positives entre les différents partenaires au développement, le codhod et le Centre culturel Américain, par ce genre d’activité, entendent amener les dirigeants à orienter leurs politiques de bonne gouvernance en se fondant sur plusieurs principes qui doivent animer toutes ses démarches : la primauté du droit, la participation, la transparence, l’équité, l’effectivité et la responsabilité. Principes que l’on doit aussi retrouver au niveau du secteur privé et de la société civile qui sont les partenaires de l’Etat.

Pour ce faire, il faudrait se fixer six objectifs stratégiques :

- la promotion du cadre juridique et judiciaire pour ancrer l’Etat de droit ;

- la modernisation et le renforcement des capacités de l’administration publique municipale ;

- l’amélioration des capacités de contrôle de la gestion des ressources publiques (participation citoyenne) ;

- l’appui au processus de décentralisation ;

- la promotion du secteur privé (ILD : Initiatives Locales de Développement) ;

- la promotion de la société civile plurielle de base (les Organisations Communautaires de Base).

Etant donné que la Commune est chargée de la gestion des intérêts communaux et assure les services publics répondant aux besoins de la population locale, la démocratie locale et la décentralisation constituent l’un des axes majeurs de la gouvernance municipale, car dans la mesure où les élus locaux (Maires et conseillers municipaux) sont amenés à jouer un rôle croissant dans la gestion de la commune, cela constitue en lui même un renforcement de la participation de la population, à travers ses représentants dans la prise de décision et la mise en oeuvre des actions qu’ils ont décidé d’entreprendre. Ceci suppose que l’autonomie communale devienne une réalité, notamment au plan de la mobilisation des ressources et de la prise en charge effective du développement local. Il s’agit donc d’appliquer efficacement et de réformer, au besoin, l’arsenal juridique et réglementaire, de renforcer les capacités de gestion administrative, technique, budgétaire et comptable ainsi que les capacités d’élaboration et d’exécution des projets tout en réformant la tutelle.

En somme la gouvernance municipale est considérée comme une dimension incontournable de la gouvernance nationale. Elle doit à la fois s’enraciner dans nos communautés profondes tout en s’inscrivant dans une approche globale pour que l’on puisse traiter sur le territoire communal, l’ensemble des aspects économiques, sociaux et culturels de la vie locale de la manière qui réponde le mieux aux préoccupations des populations. La gouvernance s’applique même en famille ; car si une famille est « développée », c’est la rue, c’est la quartier, c’est la commune, le district, la province, le pays.

Bonne Gouvernance et lutte contre la pauvreté

Dans le cadre de l’initiative de réduction de la pauvreté, le Gouvernement avec la banque mondiale a lancé une stratégie de lutte contre la pauvreté à travers un document (DSRP) qui à son élaboration avait associé, à côté de l’administration représentée par le ministère du Plan, les collectivités locales, les représentants de la société civile.

L’analyse qui en découle montre le caractère multidimensionnel du phénomène de la pauvreté et l’enchevêtrement des ses causes. La vision qui sous-tend admet que seule une politique intégrée qui s’attaque simultanément à tous les déterminants de la pauvreté aura un impact rapide et durable sur la réduction la pauvreté.

La stratégie de lutte contre la pauvreté repose sur quatre grands axes qui se soutiennent pour converger vers la réalisation des objectifs fixés :

- Le premier axe vise à accélérer la croissance économique qui est la base de toutes réduction de la pauvreté, à améliorer la compétitivité de l’économique et à réduire sa dépendance vis-à-vis des facteurs exogènes ;

- Le deuxième axe vise à valoriser le potentiel de croissance et de productivité des pauvres. Il s’agit de promouvoir les secteurs qui profitent directement aux pauvres et aux zones de leur concentration ;

- Le troisième axe vise le développement des ressources humaines et l’accès aux infrastructures essentielles. Cet axe est celui qui, à long terme, aura l’effet le plus sensible sur la pauvreté à travers son impact sur la productivité et sur l’amélioration des conditions de vie des pauvres.

- Le quatrième axe vise à promouvoir un réel développement institutionnel appuyé sur une bonne gouvernance et sur la pleine participation de tous les acteurs de la lutte contre la pauvreté. Etant entendu que la lutte contre la pauvreté et la gouvernance municipale sont indissociables. Au sein de cet axe, la décentralisation est à retenir comme sous axe qui reprend la même thématique nécessaire si on veut réellement que nos communes soient des entités de développement des populations, à savoir :

  1. le renforcement du dispositif institutionnel par la consolidation du socle juridique, la clarification des compétences communales ;
  2. le renforcement des outils de gestion territoriale notamment par l’élargissement des compétences communales en matière de gestion urbaine et foncière, l’élaboration des plans d’urbanisme opposables aux biens ;
  3. la mobilisation des ressources par la mise en oeuvre d’une réforme de la fiscalité locale, une plus grande implication des élus locaux dans l’établissement et le suivi des impôts locaux ;
  4. le renforcement des capacités de gestion communale par l’amélioration de la formation des élus locaux et du personnel communal ;
  5. le renforcement et la modernisation de la gestion communale notamment par l’utilisation des NTIC ;
  6. l’implication des associations de base (associations communales) et de la société civile dans l’effort du développement local (ce qui suppose l’appui aux projets initiés par ces associations. Mais le constat est qu’elles ne reçoivent pas les financements)
  7. l’élaboration des plans stratégiques de développement intégrés pour les communes en zones rurales et des stratégies de développement des villes pour les communes urbaines. Ce plan stratégique de développement municipal doit être élaboré de manière participative en tenant compte de la monographie (deux documents importants pour la gestion de la commune)

Comment améliorer la gouvernance municipale ?

Nous venons de confirmer que la lutte contre la pauvreté et la gouvernance municipale sont indissociables. Pourtant nos communes connaissent les problèmes à cause de la mauvaise gouvernance. La question maintenant est de savoir que faire pour améliorer ?

1. La démocratie locale comme facteur d’enracinement de la gouvernance municipale

On assigne généralement à toute politique de décentralisation dans les pays en développement une triple fonction, à savoir :

- Fonction d’abord de recherche de solutions institutionnelles favorables à la participation des populations par la transformation des cellules traditionnelles de bases en structures de développement capables de servir de relais naturels à l’activité publique ;

- Fonction ensuite, fondamentale d’organisation, de la communication entre les collectivités de base ou les quartiers, les leaders d’opinion, les OCB, les privés et l’appareil administratif en vue du dialogue pour le passage d’une participation suscitée à une participation concertée pour la promotion du développement local ;

- Fonction enfin d’incorporation des organisations locales et des quartiers dans la prospective nationale.

Cet objectif de démocratie administrative, c’est-à-dire d’agencements institutionnels, de transformations psychologiques et fonctionnelles de l’appareil administratif au service des populations en vue : " du décongestionnement de l’échelon central ; " de la localisation de la décision administrative ; " de l’élargissement de l’horizon social des populations et de leur adhésion aux actions de développement ; " de l’exercice par les citoyens du pouvoir local à travers leurs représentants ; soulève toute la problématique de la gouvernance municipale dont l’organisation est sous-jacente à des enjeux :

- l’enjeu de démocratie locale et de la légitimation du local ;

- l’enjeu de participation et de formation.

  1. de la démocratie locale qu’il faudrait encore mieux enraciner dans nos habitudes jusqu’ici trop marquées par le centralisme jacobin et par la vision de l’Etat providence ;
  2. de la légitimation du local comme lieu privilégié de régulation de la société. C’est la logique de proximité qui se fonde sur une forte charge communautaire et sur l’efficience et l’efficacité de ses performances, les OCB des administrés prenant, pour ainsi dire, le relais de la collectivité des citoyens ;
  3. de participation et de formation : en d’autres termes nos agents communaux et dans le futur nos élus locaux doivent disposer des capacités intellectuelles, morales, techniques et civiques qui constituent le fondement d’une bonne gouvernance municipale.

2. Le renforcement du dispositif institutionnel à travers :

- La consolidation du socle législatif et réglementaire de la décentralisation en renforcement de l’Etat de droit. Il s’agit de compléter le dispositif institutionnel de la décentralisation notamment par:

A. La mise en oeuvre des modalités réglementaires prévues pour le transfert effectif des compétences communales par l’application du principe de subsidiarité ;

B. L’adoption de la loi sur la décentralisation ;

C. L’harmonisation des textes des Ministères sectoriels avec ceux de la décentralisation qui doit être confirmée comme option transversale au niveau de tous les secteurs de l’action publique ;

D. Allègement du système de contrôle de tutelle sur les communes (tendre progressivement vers un contrôle juridictionnel à posteriori) ;

- Le renforcement du pouvoir coercitif des communes avec notamment la professionnalisation des agents chargés, au nom du Maire, d’exercer la police municipale ou la mise à disposition de celles-ci, de détachements de la police d’Etat ;

- L’élaboration d’un cadre de concession de services marchands ;

- La mise en place d’un cadre adéquat pour la formation initiale et continue au profit des élus locaux et du personnel communal. Car sans une formation adaptée et efficace des agents chargés de la gestion de la commune et du quartier, la décentralisation restera peu performante et sans effet majeur sur la vie des populations; on imagine mal en effet, réaliser une bonne gouvernance municipale par le biais d’équipes peu formés, peu expérimentées et techniquement très peu appuyées.

- L’élaboration d’un statut des élus locaux pour leur permettre de mieux remplir leurs missions ;

- L’élaboration d’un statut incitatif pour le personnel communal. Celui-ci est actuellement en mal de statut, même si la création d’une fonction publique territoriale semblable à celle de la fonction publique d’Etat n’est pas la panacée.

- Il faudra un statut plus souple, plus incitatif mais exigeant au plan de la performance.

- L’élargissement du champ territorial de la décentralisation par l’érection de la province en personne morale dotée de l’autonomie financière, sous réserve de ne pas empiéter sur les prérogatives communales ;

- La mise en place d’un cadre réglementaire pour l’intercommunalité favorisant une réelle intégration de l’espace intercommunal pour bâtir des projets communs.

- La révision du découpage territorial des communes en tenant compte de la consistance économique des entités communales.

- Etant donné que la plupart des agents affectés dans les communes sont les détachés des ministères, en plus de la décentralisation, il faudrait exiger son corollaire : la « déconcentration » administrative des services de l’Etat ; ceux-ci sont appelés à assister les communes dans la mise en oeuvre de leurs programmes de développement. Il faudrait donc renforcer la présence quantitative et qualitative des services de l’Etat au niveau municipal en les dotant suffisamment des moyens pour leur permettre d’épauler les communes dans la mise en oeuvre de leurs programmes de développement.

3. La mobilisation des ressources à travers :

- Une réforme fiscale dans le sens d’une rationalisation de l’assiette des impôts, d’une maîtrise de la matière imposable (grâce à l’adressage, à l’établissement des fichiers fiscaux et à l’informatisation) ;

- La mise en place d’un mécanisme pérenne de financement des collectivités locales et des OCB (à l’époque, Codhod avait proposé d’inciter la mise en place d’un Fonds Participatif de Développement Local ; des projets de micro-crédit ; crédit communal etc. par exemple) disposant des ressources suffisantes pour impulser le développement local ;

- La décentralisation du Fonds Social de Développement et sa transformation pure et simple dans les communes en un Fonds de Développement Communal ;

- L’aménagement du principe de l’unicité de caisse dans le sens d’une plus grande autonomie comptable et pécuniaire des communes.;

- La dévolution à la commune de l’intégralité du pouvoir d’émission des impôts communaux ;

- La simplification des procédures de poursuite et l’augmentation des pouvoirs municipaux en la matière ;

- L’élaboration d’un texte réglementaire sur les ressources extrafiscales des communes (droits, redevances, taxes de services …) ;

- La mise en place d’un système de péréquation financière entre les communes

4. Le renforcement des capacités de gestion municipale, à travers :

- l’élargissement des compétences communales en matière de gestion urbaine et foncière, car jusqu’ici la commune subit beaucoup plus qu’elle ne conçoit la politique urbaine ou plus généralement l’aménagement de son territoire ; il s’agit en particulier de doter les communes de leurs propres réserves foncières ;

- La mise en place d’un système d’information communale;

- La généralisation des plans communaux de développement en tant compte de la spécificité de chaque entité, d’où l’importance de la monographie pour chaque commune ;

- L’élaboration de schémas directeurs d’aménagement urbain opposables aux tiers ;

- la systématisation de l’adressage, au moins pour les communes urbaines, assorti d’un cadastre simplifié (registre foncier urbain) ;

- L’élaboration et la diffusion de manuels de procédures sur la gestion communale ;

- La contractualisation de la gestion communale à la base d’indicateurs de performance précis, réalistes et passibles de sanction ;

- - Le renforcement du dispositif de contrôle de la gestion communale ;

- L’obligation de passer par la commune pour la conception et la réalisation de tous les programmes de développement à vocation territoriale et notamment dans le cadre l’élaboration des stratégies et des politiques de réduction de la pauvreté; cela permettrait non seulement d’améliorer les capacités de maîtrise d’ouvrage de ces entités mais contribuerait à faire le meilleur choix possible pour répondre aux besoins des populations ;

5. La promotion du partenariat avec la société civile en renforcement de la gouvernance municipale au profit des pauvres

Pour améliorer la gouvernance municipale et la faire approprier par les citoyens, il importe d’institutionnaliser les relations entre l’administration communale et les organisations de la société civile (Associations, ONGs, Coopératives, Eglises, Opérateurs économiques, etc.).

La participation de ces organisations permet de prendre en considération les besoins réels exprimés, à travers elles, par les citoyens. Elle permet aussi de suppléer à la commune, lorsque les services municipaux sont défaillants.

Dans ce cadre, il importerait d’entreprendre les actions suivantes :

- L’appui aux acteurs intervenant dans le développement communal, aux associations de quartiers, aux groupements de base, aux associations de parents d’élèves, aux coopératives etc., pour en faire des partenaires actifs de la Commune ;

- La mise en place de forums (conférences de développement, Assemblées communales élargies …) au niveau local regroupant notamment en plus des autorités communales, les services déconcentrés de l’Etat, les représentants de la société civile, du secteur privé ; ces structures de concertation peuvent être également créées au niveau régional ;

- L’exécution de programmes locaux de formation sur la problématique de pauvreté et particulièrement sur les techniques d’identification participative des priorités locales.

- La détermination des populations les plus vulnérables à travers un ciblage précis des couches défavorisées, en vue de les impliquer dans l’identification des priorités locales en matière de lutte contre la pauvreté ;

- La mise en oeuvre d’un programme de communication IEC, visant à ancrer la culture communale et favoriser l’émergence d’une véritable citoyenneté locale.

La sensibilisation et la vulgarisation de cette culture communale pourraient se faire à travers la création de radios communautaires par exemple, l’utilisation des NTIC, les cyber-communes etc., afin de permettre de mieux diffuser les informations sur les activités civiques et culturelles locales, sur les actions de développement communautaires, sur l’impact local du développement régional et des programmes de développement sectoriels nationaux ;


Conclusion

L’objectif que poursuivent le codhod est entre autre de créer une synergie entre les différents acteurs dans le cadre d’un dialogue ouvert, pour passer d’une logique de descendance de la décision à une logique d’ascendance de la décision.

Pour que l’action de nos communes puisse s’inscrire valablement dans la dynamique de développement national, et pour que ces entités servent d’instrument fiable et durable de la gouvernance locale pour le changement quantitatif et qualitatif des vies des populations dans les quartiers, il faudrait qu’elles puissent se doter de moyens appropriés pour servir de leviers à un développement local autocentré.

Elles devront combiner entre le «hardware» c’est-à-dire l’infrastructure conventionnelle et le «software», à savoir la capacité de gestion d’administration et de communication dans le cadre d’une vision managériale en phase avec le monde d’aujourd’hui.

Ce faisant, l’on aura légitimé le local et mis fin, par voie de conséquence, à l’arrimage des municipalités sur l’Etat et bâti le fondement d’une bonne gouvernance locale sans laquelle la gouvernance nationale est inconcevable.


Par Henri Christin LONGENDJA

Président du CODHOD

Aucun commentaire: